Durant cette performance, je me trouve dans l’eau de la mer au crépuscule à ouvrir une grenade et manger
chaque graine. Je fais référence aux croyances culturelles/religieuses autour de ce fruit étant le fruit du
paradis. Depuis petit, mon père me dit qu’il existe une unique graine -dans chaque grenade- qui offrent une
place au paradis.
"En épluchant une grenade, baba disait « il existe une graine -parmi toutes les autres- qui dans l’au-delà te donnera l’accès au paradis si tu la manges ».
J’étais angoissé à l’idée de devoir trouver cette graine, l’unique graine, clef d’une ‘vie’ éternelle parfaite. Alors je les mangeais toutes.
Avant, ce fruit m’était indifférent. Puis il me faisait peur, tout en me rassurant. Je serai loin des flammes, comme ça.
Je serai pardonné, comme ça.
La grenade est un fruit qui garde les traces de ses graines sur ses parois.
La grenade est un fruit qui fait rougir les mains, le corps, les lèvres, la langue.
La grenade est un fruit sucré, sacré, il est aussi un peu acide.
Au crépuscule, je le lave dans l’eau de cette crique.
Maintenant salée, la grenade a le goût de ses mains, de son corps, de ses lèvres et de sa langue.
Iels penseraient que c’est péché."
it is a salted pomegranate because there is no sea in heaven, performance vidéo, 2022
Le 4 octobre 2022 au soir, Le Trayas : La grenade en arabe
Par Yola Rey Büchler
Dans l’intimité du creux de la roche encore chaude, il y a l’eau lisse de la mer.
Elle ouvre sur l’infinité de l’horizon, au moment où la mer et le ciel semblent se toucher.
Le corps à demi immergé dans l’eau, la rondeur du crâne à la lisière du ciel.
Ta silhouette faunique contraste le bleu en disparaître, qui finement t’humectes.
Ta gestuelle rappelle la fresque dansée de Vaslav Nijinski, dans L’Après-midi d’un
faune.
Dans tes mains : un fruit que tu coupes. Que tu coupes en deux. Deux moitiés dont le
fragile organe interne est à vue. Fragile organe que tu coupes. Dans tes mains.
Que tu coupes. Deux moitiés internes. Plénitude fragmentée dans tes paumes. A vue.
Du jus de la chair aux doigts. Les doigts dans la chair. Les doigts dans la bouche.
La chair de la pulpe dans la bouche. Tu manges la rosée, tu ingères cet instant
éphémère, tu dégustes la teinte qui précède la nuit.
Mélange de la chair du fruit et de l’eau salée de la mer.
« De » renvoie à l’origine de quelque chose dans la langue française.
Le jus coule et se confond avec l’eau noire, mais le rouge de tes doigts reste.
Les cavités du fruit sont vides. Des coques empreintes du passé de leur contenance.
La cavité du fruit est celle des rochers encore rouges.
Le rosé du ciel en légères strilles à la peau de l’eau et les coques vides du fruit sur
elle :
„Pomeranzen, die auf dem Wasser tanzen“.